Biographie / Discographie

Cuarteto Cedrón. Tango y Quimera
par A. García C., Corregidor éditeur
Buenos Aires, 2010
extraits



Le CUARTETO CEDRÓN est un groupe de musiciens argentins né à Buenos Aires en 1964. Comme son nom ne l’indique pas, le groupe a d’abord été un trio. À la fin des années 1960, cette formation devient quatuor. Les quatre musiciens sont alors : Juan Cedrón (guitare et chant), Miguel Praino (violon), César Stroscio (bandonéon), Jorge Sarraute (contrebasse).

J. Sarraute, C. Stroscio, M. Praino
J. Cedrón

Il y a eu tout au long de la trajectoire du Cuarteto Cedrón des modifications dans la composition de ses membres. Durant de longues années, Carlos Carlsen a remplacé la contrebasse en introduisant le violoncelle et la basse électrique. Beaucoup plus tard, à la fin des années 1990, le quatuor devient quintet (sans changer de nom pour autant) avec l'intégration d’Emilio Cedrón au violon. Parallèlement aux activités du Cuarteto, le groupe est à l’origine d’autres formations, parmi lesquelles un nonette et un orchestre de quatorze musiciens appelé La Típica. Actuellement, les membres du groupe sont : Juan Cedrón (guitare et chant), Miguel Praino (violon alto), Román Cedrón (contrebasse), Miguel López (bandonéon).

Le Cuarteto Cedrón joue du tango. Il joue aussi des milongas, des candombes, des rancheras, des huellas, des estilos. Autant de styles profondément enracinés dans la culture populaire argentine. Ainsi, son œuvre reconnaît des racines et à partir de ces racines, le groupe a fait sa proposition, pionnière par bien des aspects.

Le " maître d'oeuvre " est Juan Cedrón. Chanteur, guitariste et compositeur, il a mis en musique des poèmes non écrits pour être chantés. La discographie du Cuarteto permet d’identifier au moins trente-sept auteurs, argentins pour la plupart comme Julio Huasi, Francisco Urondo, Juan Gelman, Carlos de la Púa, Raúl González Tuñón, Julio Cortázar, Alberto Szpunberg, Acho et Homero Manzi, Luis Alposta, entre autres, mais aussi des non argentins comme notamment Bertolt Brecht, Dylan Thomas et César Vallejo. Cette prédilection pour les poètes ne peut manquer d’attirer l’attention. Certains ont d'ailleurs évoqué Le   Cuarteto Cedrón comme « la voix des poètes ». L’affirmation ne semble pas excessive. Dans l’histoire de la musique il existe une tradition de l’auteur-compositeur-interprète. Le plus souvent, ceux-là mettent en musique leurs propres vers. On trouve aussi des musiciens prestigieux qui, tout en chantant leurs propres vers, ont chanté occasionnellement ceux des autres. Mais des musiciens qui aient consacré toute leur vie à la poésie écrite par des tiers est quelque chose de plus inhabituel. Dans le monde hispano-américain, aux côtés du Cuarteto Cedrón, on peut citer Paco Ibáñez. Et ce n’est pas un hasard si Paco Ibáñez a partagé avec le Cuarteto Cedrón de longues heures de musique et d’amitié. Ainsi, Juan Cedrón met en musique des poèmes. Cela signifie qu’il fait de la chanson. Et cette donnée qui pourrait sembler négligeable ne l’est pas si l’on situe le Cuarteto dans le contexte historique et culturel où il surgit. C’est-à-dire dans les années 1960, telles qu’elles ont été vécues à Buenos Aires. « Tu as été le seul de notre génération à avoir fait de la chanson » a dit un jour un ami musicien au chanteur du Cuarteto Cedrón.

Pionnière, cette œuvre l’est aussi par d’autres aspects. « La voix des poètes » ne renvoie pas seulement aux compositions et au chant de Juan Cedrón mais aussi au fait que les œuvres discographiques du Cuarteto contiennent des paroles que l’on ne chante pas : des poèmes récités par ses auteurs, intercalés entre les pièces musicales (Madrugada, 1964 ; Cuerpo que me querés, 1966 ; Fábulas, 1969). On trouve aussi dans l’un des disques, des extraits d’un long entretien avec le poète Raúl González Tuñón qui donne à entendre la manière de parler et de voir le monde d’un homme né à Buenos Aires en 1905. En 1966, le Trio Cedrón enregistre un disque appelé La Crencha Engrasada, dans lequel l’acteur Héctor Alterio récite les poèmes en argot (lunfardo) de Carlos de la Púa. Cette incorporation de l’argot est également une nouveauté à l’époque, antérieure aux enregistrements du chanteur Edmundo Rivero qui, peu de temps après, ont introduit l’argot dans le milieu du tango, en lui donnant ses titres de noblesse.

M. Praino, C. Stroscio, J. Cedrón, C. Carlsen


Pionnière, l’œuvre du Cuarteto l’est encore par son approche des genres musicaux. Outre ceux qui ont été signalés, le répertoire du groupe comprend aussi des ballades (« Balada del hombre que se calló la boca », « Balada de los amantes de mi pueblo », « Balada del ex traficante de diamantes ») sur des poésies de Juan Gelman. Ces ballades, le public argentin les a découvertes en 1965. Initialement conçues pour un opéra qui n’a pas vu le jour (Las tripas generales), elles ont été enregistrées au début des années 1970. Puis, il y a les cantates qui ont notamment marqué la rencontre du Cuarteto Cedrón avec son public français (Le Chant du Coq, 1973 ; Chances, 1977), dont les textes évoquent le moment politique que vivait alors l’Argentine.

Quelques chiffres :
Entre 1964 et 2009, le Cuarteto Cedrón a produit 36 œuvres discographiques. Juan Cedrón est l’auteur de 197 morceaux dont 175 chansons. Le Cuarteto a également enregistré 73 morceaux d’autres compositeurs : tantôt d’auteurs contemporains, considérés comme « modernes » (Osvaldo Tarantino, Eduardo Rovira), tantôt d’auteurs plus anciens dont les œuvres appartiennent au répertoire dit « traditionnel » du tango argentin (Aníbal Troilo, Osvaldo Pugliese, parmi beaucoup d’autres). À cet égard, il importe de souligner le fait que constamment et depuis ses débuts, le Cuarteto a fait coexister dans son répertoire des morceaux traditionnels et des créations propres (dont des compositions des autres membres du groupe dont Carlos Carlsen, Miguel Praino César Stroscio).

Un exemple :
Le tout premier disque enregistré par Juan Cedrón en 1963 contenait d’un côté un morceau instrumental dont il était l’auteur, « Madrugada », de l’autre « El último organito », un classique d’Homero et d’Acho Manzi (1949).

S’agissant de souligner quelques données clés, cette présentation ne saurait laisser de côté certains lieux étroitement liés à l’histoire du groupe et de son public. « Gotán », premier café-concert de Buenos Aires, qui a ouvert ses portes dans un sous-sol de la rue Talcahuano en 1965,  puis, au début des années 1970, l’Atelier Garibaldi dans le quartier de La Boca. L’un comme l’autre furent des espaces de rencontres musicales et non musicales.

Et tout comme il y a des lieux, il y a des villes. Buenos Aires, Paris.
M. Praino, J. Cedrón, C. Carlsen, C. Stroscio

En effet, le groupe s’installe en France en 1974, départ motivé par la recrudescence des persécutions politiques préalables au coup d’État du 24 mars 1976. Tout au long de sa carrière, dans son volet européen, le Cuarteto Cedrón s’est présenté sur des scènes renommées telles que l’Olympia (en compagnie de Paco Ibáñez), le Théâtre de la Ville, le Bobino, la prestigieuse Fenice (Venise), le Concertgebouw (Amsterdam), et aussi sur les scènes populaires de la Fête de l’Humanité et de la Mutualité.

En 1984, le groupe se rend à Buenos Aires après dix ans d’absence et se présente au Club Atlético Obras Sanitarias. À partir de ce moment-là, il y aura des allées et venues. En 2004, Juan Cedrón choisit de rentrer à Buenos Aires.

M. Praino, J. Cedrón

Se séparant, se retrouvant, le groupe scindé entre Buenos Aires et Paris se maintient par volonté de ses membres. Ils continuent à faire de la musique et de la chanson obstinément attachés à une position : leur option pour la poésie, mais aussi une certaine manière d’être au monde. Ce qui s’exprime non seulement dans les histoires chantées (sortes de fables parfois proprement incroyables), dans le son particulier qui est peut-être l’une des caractéristiques principales de leur œuvre, dans l’esthétique aussi du Cuarteto Cedrón (telle qu’on peut l’apprécier de visu lors des concerts ou dans les pochettes des disques, conçues par les peintres Alberto Cedrón, Roberto Cedrón, entre autres), mais aussi, au jour le jour, dans les options de travail des musiciens. Où naissent les chansons de Juan Cedrón ? Où répètent les musiciens ? Les deux questions ont une seule réponse nullement métaphorique : dans la cuisine.

Román Cedrón
On peut ajouter que Juan Cedrón a composé la musique d’un certain nombre de films argentins et français (Tute Cabrero, de Juan José Jusid, 1968 ; Y que patatín… y que patatán, de Mario Sábato, 1971 ; Operación Masacre, de Jorge Cedrón, 1972 ; L’affiche rouge, de Frank Cassenti, 1976). Le Cuarteto a aussi promu la création de spectacles musicaux et théâtraux (Fábulas, 1970 ; La bicicleta de la muerte pasa por Mi Lay, 1972 ; Tango. Mémoire de Buenos Aires, 1988, avec Antonio Agri, Juan José Mosalini et Gustavo Beytelmann ; Mémoire des mayas, avec Jaime Torres, Julio Pardo et Ricardo Moyano, 1990). Au début des années 1990, le groupe rejoint le projet de Gérard Gelas, directeur du Théâtre du Chêne Noir d'Avignon. C’est ensemble qu’ils présentent Antigone, le Cuarteto Cedrón interprétant (pour la seule fois en français) les textes du Chœur, sur des milongas argentines créées pour l’occasion par Juan Cedrón.

Miguel López
Depuis longtemps, l’œuvre du Cuarteto a par ailleurs inspiré d’autres artistes. En effet, des danseurs ont ainsi mis les musiques de Juan Cedrón « en mouvement » alors que d’autres chanteurs ont interprété ses chansons (Paco Ibáñez, Soledad Bravo, Quilapayún). Le groupe a également participé à des productions discographiques de Léo Ferré, de Georges Moustaki, de Xavier Ribalta.
Plus récemment, de jeunes musiciens argentins se penchent assidûment sur cette œuvre longue de plus de quarante ans. Œuvre dont ils reconnaissent le son argentin bien qu’elle ait été réalisée – en grande partie – dans un pays pour eux lointain : la France.


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DISCOGRAPHIE
  • Madrugada (1964)
  • Tango (1965)
  • Cuerpo que me querés (1966)
  • La crencha engrasada (1966)
  • Gotán (1967)
  • Eche veinte centavos en la ranura (1969)
  • Fábulas (1969)
  • Tute Cabrero (1969)
  • Los ladrones (1970)
  • De Argentina (1972)
  • Le Chant du Coq - Cantate (1973)
  • Chansons d’amour d’Occitanie et autres histories (1975)
  • Paco Ibáñez. Cuarteto Cedrón (1975)
  • L’affiche rouge (1976)
  • Cuarteto Cedrón chante Raúl González Tuñón / Paco Ibáñez chante Neruda (1977)
  • Chances et instrumentaux (1977)
  • Le cheval du manège (1978)
  • Trottoirs de Buenos Aires (1980)
  • Chansons traditionnelles d’Argentine (1980)
  • Chansons d’un pays quelconque (1981)
  • Une étrange affaire (1981)
  • Faubourg sauvage (1982)
  • Cuarteto Cedrón chante Bertolt Brecht (1985)
  • Tango primeur (1990)
  • Cedrón et guitares (1990)
  • Todo Raúl González Tuñón (1994)
  • Milongas d’Antigone (1994)
  • Apparition urbaine (1995)
  • Para que vos y yo (1997)
  • La Típica (2000)
  • Nocturno (2003)
  • Cuarteto Cedrón. De cada día. 1964-2004 (2004)
  • Piove en San Telmo (2005)
  • En versos y en canción (2005)
  • Elogio (2007)
  • Orejitas perfumadas. Semblanzas arltianas (2007)
  • Album Orejitas Perfumadas (2008)
  • Double album Corazón de piel afuera (2012)


2012
Double album Corazón de piel afuera. 
 sur des poésies de Miguel Angel Bustos et Godino, sur des poésies de
Luis Alposta, Paco Urondo, Raúl González Tuñón, entre autres auteurs.
France / Le chant du Monde / Harmonia Mundi


2008
Album Orejitas Perfumadas
poésies de Mario Paoletti inspirées sur des personnages de Roberto Arlt
Argentine, Alfiz Productions, Sony
Illustration Adolfo Nigro
France / Le chant du Monde / Harmonia Mundi

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2007
Album Elogio
Inédits Homero Manzi - Juan Cedrón
France, Le Chant du Monde / Harmonia Mundi
Illustration Alberto Cedrón

2005


2004
Piove en San Telmo
Chansons argotiques
Sur des poésies de Luis Alposta, musiques de Juan Cedrón
France, Le Chant du Monde / Harmonia Mundi



1973




1964